Page:Ramuz - La grande peur dans la montagne, 1926.djvu/105

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
107
DANS LA MONTAGNE

Clou faisait un pas en avant, Joseph faisait un pas en arrière :

— Et dès qu’on en aura en suffisance on s’en va. On passe par les cols. On les laisse crever où ils sont. On les laisse crever avec leurs bêtes ; nous, on passe par les cols avec notre belle provision qui vaudra cher dans les villes. Et on partage le bénéfice… Et toi, tu as une fiancée ; alors, avec de l’argent, on peut tout. Tu lui écriras de venir.

Il venait en avant, il faisait un bruit avec ses pierres ; — tout à coup Joseph n’a plus été là.

Il avait fait demi-tour, et l’autre, maintenant, dans le dos de Joseph :

— Tu ne veux pas ? C’est comme tu voudras. Et puis tu vas avoir le temps de réfléchir…

Il riait encore.

— Tout le temps de réfléchir, et plus encore qu’il n’en faut… Tu n’auras qu’à venir me dire…

Il a ri plus fort.

— Mais tu es bien pressé… Attends-moi… Je vais du même côté que toi, on rentre ensemble.

Joseph courait toujours. Il courut un grand moment encore, puis il s’arrêta, il