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LA GRANDE PEUR

et pas beaucoup, juste ce qu’il nous en faut pour faire notre pain ; à peine si on a des légumes et des fruits : on vit de lait, on vit de viande ; on vit de lait, de petit-lait, de fromage maigre, on vit de beurre ; même le petit peu d’argent bon à mettre dans sa poche qu’on peut avoir vient du bétail. Et cette maladie est une maladie terrible à laquelle on ne connaît aucun remède. Elle se met d’abord dans les sabots des vaches et dans leur bouche, puis la fièvre les prend, elles maigrissent, elles perdent leur lait ; elles crèveraient bientôt, si on ne prenait les devants sur la mort. Il y a ordre de les abattre sitôt que la maladie est constatée, et il y a aussi des règlements pour les enfouir ; il faut que le trou ait deux mètres de profondeur au moins ; on tâche ainsi à diminuer, sinon à supprimer, les chances de contagion, malgré la perte qu’on fait, mais il vaut mieux perdre quelque chose que tout perdre. Et l’autre précaution qu’on prend concerne les hommes, c’est-à-dire que le germe de cette maladie est mystérieux, alors les hommes mystérieusement l’emportent à leurs semelles, le répandant ainsi dans toute une région si on les laisse circuler ; mais on ne les laisse pas circuler. On les enferme avec les