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LA GRANDE PEUR

Le garde sortit de la hotte une paire de vieux souliers.

Ceux du chalet regardaient de devant le chalet ; ils voient Pont sortir de son sac un pantalon de toile tout rapiécé qu’il passe par-dessus le sien ; ensuite, il met les souliers que le garde lui tend.

Eux là-bas regardent : Pont s’est mis debout. Pont s’était mis debout, il passe par-dessus sa veste une blouse. Et ce n’est pas tout encore, car, l’instant d’avant, il était nu-tête ; mais maintenant ceux du chalet ont senti le cœur leur faiblir, tandis qu’ils sont devenus gris, à cause du sang qui se retirait de leurs visages à la peau cuite.

C’est que Pont venait de nouveau, et eux se retenaient difficilement de prendre la fuite ; car, au lieu de chapeau, c’est sous un voile noir que Pont venait, l’ayant fixé soigneusement sur son visage et par derrière ; et le voile lui tombait plus bas que la taille, de sorte que seules les mains en sortaient, couvertes de gros gants de cuir.

Un voile de tulle noir comme ceux qu’on met pour aller lever le miel et quand on va déranger les abeilles ; grâce à quoi il pou-