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LA GRANDE PEUR

la peine d’ôter leurs souliers, ce soir-là, comme ils font pourtant toujours, et à cause des rats ils les pendent par les cordons à des chevilles.

On n’a pas su s’ils dormaient ou non. Ils se trouvaient couchés depuis au moins une heure ; il y avait de la lune. Ils ne bougèrent point. On a entendu un bruit de pas. Les pas se rapprochaient toujours plus.

On n’a pas su s’ils dormaient ou non, à part Joseph ; ils n’avaient plus, ni les uns ni les autres, pensé à Clou, tellement ils vivaient déjà chacun pour soi.

Et Joseph a entendu qu’on venait, il a entendu ensuite qu’on a essayé d’ouvrir la porte. Jusqu’à ce soir-là, elle n’avait jamais été que poussée ; alors il y a eu un moment de surprise, de l’autre côté de la porte, d’où aussi un silence et un temps d’arrêt, puis on heurte. On frappe trois coups ; Joseph s’était assis sur sa paillasse.

Et Joseph d’abord s’était dit : « C’est Clou, » puis, parce qu’on n’appelait toujours pas et on ne disait toujours rien (on s’est contenté de frapper trois coups de nouveau, toujours ces trois mêmes coups), — au lieu d’aller ouvrir, il est resté assis, sentant