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LA GRANDE PEUR

cette baguette qu’il tenait, ayant mis dans le canon une forte charge de poudre, puis de la bourre, puis la grenaille ; et le voilà qui bourrait encore son arme avec des gestes précipités (et peut-être qu’il a mis plus de bourre qu’il n’aurait dû).

Il a couru après la pie. La capsule était en place, le chien levé. La pie avait disparu ; mais un geai à bout d’ailes bleu, appelant sa femelle, était posé un peu plus loin, dans une ouverture de la pente, par où l’autre versant de la gorge tout noir encore s’apercevait en vis-à-vis.

Romain avait couru après le geai qui s’est envolé ; ensuite la détonation avait donc été entendue jusqu’au poste, tandis que du côté d’amont elle ne cessait plus de se faire entendre, roulant en cahotant dans la gorge qu’elle remontait comme une charrette lourdement chargée.

Romain avait visé le geai qui avait été au bout du canon de son arme, puis n’y était plus, pourtant Romain avait pesé sur la détente ; ensuite il avait tourné sur lui-même un moment dans la fumée, pendant que l’odeur de la poudre qu’il avalait abondamment le faisait éternuer et tousser ; — puis il était tombé sur le dos dans la mousse.