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LA GRANDE PEUR

essayaient de brouter et les autres erraient en meuglant, puis, voyant Joseph, elles sont accourues ; il ne les vit pas. Il ne voyait rien, elles le suivaient, il ne les a pas vues qui le suivaient. Elles secouaient derrière lui leurs sonnailles sur l’espèce de chemin où il s’est avancé d’abord, tournant le dos à la vallée ; et longtemps les bêtes ont été derrière lui sur ce chemin sans qu’il ait paru les entendre, puis elles s’étaient découragées. Elles se sont arrêtées l’une après l’autre, avec des meuglements de nouveau, parce que le lait recommençait à leur faire mal dans leurs mamelles regonflées ; elles tendaient vers lui leur mufle d’où le son est sorti, mais sans le léger brouillard blanc dont il s’enveloppe d’ordinaire à ces premières heures du jour. Le son un instant encore court après Joseph, le dépasse, lui est ramené par l’écho ; Joseph va toujours, il ne s’en est pas occupé. Il va sur l’espèce de chemin qu’il y a eu d’abord, puis il n’y a eu plus aucun chemin. Il avait pris par ces étroits passages et cette suite de ruelles que les quartiers de rocs laissent entre eux ; il passait d’une de ces ruelles à l’autre, il remontait le torrent. Il tournait le dos à la vallée et au village, il allait du côté du gla-