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DANS LA MONTAGNE

à droite et à gauche, levant les yeux si haut qu’il pouvait, c’est-à-dire jusqu’au plafond de brumes, et à mi-hauteur des parois, parce que peut-être est-ce là qu’Il se tient… « Et où es-tu qu’on te voie une fois, Grand Vieux Malin ? » Mais Il ne se montrait toujours pas. Ce qu’on voyait, c’était le chalet ; ce qu’on voyait aussi, c’était un peu en avant de la porte le maître et le neveu assis l’un à côté de l’autre, les bras sur les cuisses. Entre eux et Barthélemy, dans les parties qui se trouvaient à découvert, les cadavres de deux ou trois bêtes se montraient, couchés de côté ou les jambes en l’air sous une espèce de mousseline noire qui bougeait comme s’il avait fait du vent. C’est ce que Barthélemy voit, cet avant-dernier matin, sous le ciel jaune et bas qui descendait de plus en plus ; — cependant Barthélemy ne bougeait toujours pas, continuant tranquillement d’occuper sa même place. Et la cheminée du chalet ne laissait déjà plus sortir la moindre fumée, tandis qu’on le distinguait à peine lui-même, s’adossant à la paroi qu’il continuait par sa couleur, à peine aperçu, tout petit, comme pas habité ; rien qu’un toit sur quatre murs, rien que des pierres parmi les pierres.