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DANS LA MONTAGNE

d’aller plus vite, mais il glissait, il est tombé. Il se retint juste à temps des deux mains à une saillie du roc ; il s’était remis debout, il lui a semblé alors entendre toute la montagne se mettre à rire. Il était reparti ; on continuait à rire là-haut, de dedans les vapeurs, dans la partie de la pente non visible ; il était maintenant arrivé à un pierrier qu’il avait pris en travers, il se mit à courir dans les pierres ; alors le pierrier lui aussi commença à dégringoler, cédant sous le poids. Il y eut encore cette rumeur comme celle d’une chute d’eau ou bien comme quand un grand vent tourmente la forêt ; le sol glisse sous Joseph, puis encore une fois balance ; Joseph ne sait plus très bien où il est, il fermait par moment les yeux, puis recommençait à courir, il est tombé de nouveau ; il se relève, il court ; — c’est alors qu’il a cru entendre qu’on lui criait : « Eh ! attends-moi ! »

Est-ce encore les pierres qui roulent ou si c’est la montagne elle-même qui a une voix ; — mais de nouveau : « Eh ! tu es bien pressé !… »

Une voix au-dessus de lui, pendant qu’il n’ose pas se tourner d’où elle vient ; il continue de se hâter le plus qu’il peut, mais de