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DANS LA MONTAGNE

étaient rouges, ou brunes, ou noires, sur des soubassements passés à la chaux. On voyait que les toits se tenaient ensemble, s’étant mis ensemble, aimant à être ensemble, se serrant les uns contre les autres avec amitié ; — et Clou disait que ça ne pressait pas ; — on voyait aussi, derrière leurs barrières, les jardins, qui commençaient à être verts et à se tacher de jaune, de bleu, de rouge.

Ils étaient bien derrière la haie, parce qu’ils s’y trouvaient à l’abri des regards. Il y avait, en face d’eux, les montagnes qui devenaient roses. On entendait causer dans les ruelles, on entendait des portes tourner sur leurs gonds rouillés. On entendait le bruit du verrou de l’étable à cochons pousser longuement son cri tout pareil à celui des bêtes qu’il tient enfermées…

À ce moment, Clou avait fait demi-tour sur lui-même, n’ayant pas ôté les mains de ses poches ; il avait dit :

— Ça aurait été commode pour moi, voilà tout… Enfin, décidez-vous.

Il faut dire qu’il savait qu’on avait peur de lui, alors il en profitait ; — et alors la montagne n’a plus été rose, elle a été jaune.

On donne des coups de marteau, quelqu’un scie du bois.