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DANS LA MONTAGNE

Il se taisait toujours ; il a vu qu’il n’allait pas pouvoir se taire plus longtemps. Et ce fut sous la haie, là où ils avaient été déjà si souvent ensemble, tout à coup :

— Écoute, Victorine…

Après le grand silence qu’il y avait eu entre eux, et le silence à présent commençait à être partout, sauf l’eau qui coule, les feuilles qui bougent ou le bruit de la clochette qu’on laisse au cou de la chèvre et qu’elle secoue toute la nuit ; mais les hommes se taisent et le bruit des hommes se tait ; les hommes sont rentrés chez eux, ils mangent la soupe.

Et c’est comme si Joseph avait attendu exprès jusqu’à ce moment pour qu’elle entende mieux ce qu’il avait à lui dire ; il a repris :

— Sais-tu, j’ai fait les comptes… Il va nous manquer deux cents francs si on veut se marier à l’automne… Ou bien si tu ne veux plus ?

Il la regardait du coin de l’œil ; il a vu qu’elle tournait la tête vers lui, puis qu’elle l’a baissée ; il recommence :

— Alors c’est que tu veux toujours ?…

Elle a dit non pour rire avec la tête, il a repris :