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LA GRANDE PEUR

une longue file entre les troncs des sapins, de ce côté-ci des barrières. Le torrent avait recommencé à faire entendre son bruit. On est arrivé à des endroits où on aurait dit que les vaches avaient au cou des cloches sans battant, tandis que d’autre part elles avaient beaucoup ralenti leur allure. Le maître qui allait en tête avait ralenti le premier, réglant ainsi le pas de tout le monde. On ne pouvait même plus être deux de front ; alors les garçons allaient devant, tendant la main aux filles pour les aider à passer par-dessus une grosse pierre, ou bien à franchir un de ces ressauts de roc qui font comme des marches en travers du chemin. Et il y avait toujours, un peu plus en arrière, Joseph et Victorine : elle était à présent descendue du mulet, mais elle profitait du mulet tout de même, parce que Joseph le tenait par la queue et de son autre main il tenait Victorine. C’était une paresseuse, et puis le chemin est un long chemin.

Ils ont fait tout ce long chemin, ce long chemin de la montagne ; d’abord, dans l’herbe pleine de fleurs de tout côté par grosses taches, puis entre les sapins, sur le tapis des aiguilles tout taché lui aussi de taches rondes et brodé d’or ; — les prés, la