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LA GRANDE PEUR

plus ; et elles ont laissé se détacher d’elles leur ombre, comme un vêtement qu’elles quitteraient. Il n’y avait plus de soleil. Il n’y avait plus que cette grande ombre qui a été sur nous, puis on l’a vue courir en arrière de nous grimpant aux pentes avec une grande vitesse, les pentes d’herbe d’abord, puis les premiers rochers, et un peu moins vite à ces premiers rochers ; tandis que les choses changeaient d’aspect, et la couleur de tout et même le climat changeaient.

On passait tout d’un coup d’une des saisons de l’année à l’autre, et du cœur de l’été à une fin d’automne, sans aucune préparation, en même temps qu’on tombait de plusieurs heures dans la journée et vers la nuit. Le soleil caché, c’est déjà ici comme si la journée était finie : c’est pourquoi elles sont si courtes.

Déjà Joseph et Romain se préparaient à aller chercher le troupeau.

On ne savait pas bien où était Clou, on ne savait jamais très bien où il était. Le vieux Barthélemy allait et venait toujours avec sa brouette.

Le maître et son neveu étaient venus s’asseoir au pied du mur en pierres sèches du chalet, où on continuait à avoir la bonne