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LA GRANDE PEUR

le chalet en traînant les pieds, puis ont poussé la porte.

Et ce fut un peu plus tard autour du feu, parce qu’ils étaient venus s’asseoir autour du feu. Ils étaient assis en cercle. À côté du maître, il y avait le neveu, puis on passait à Joseph, puis à Barthélemy. Barthélemy faisait face à la paroi du fond, et cette paroi n’était pas comme dans les maisons ordinaires faite de main d’ouvrier avec des pierres mises l’une sur l’autre : c’était la paroi même de la montagne, c’est-à-dire un ouvrage de la nature, et non de l’homme, mais de Dieu. C’était l’assise de la grande arête et la base du mur naturel avec la roche naturelle ; il y avait dessus de larges plaques d’humidité qui brillaient à la lueur du feu. Il y avait cette paroi ; il y avait en face de la paroi la figure de Barthélemy, également éclairée plus ou moins, à cause de la lueur augmentant, puis diminuant par larges cercles, qui faisaient bouger et changer de place les objets dans la pièce. Une figure toute plissée, couleur de peau de jambon, de couenne de lard, la barbe plus large que longue et semblable à de l’herbe sèche, des petits yeux, un tout petit nez, une bouche qu’on ne voyait pas (et on n’en devinait la