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LA GRANDE PEUR

ticulièrement penché qui rejoignait du bas le chemin de Sasseneire.

La vache avait eu beaucoup de peine à traîner sa charge pendant un moment et Munier pour l’aider marchait devant elle, tirant sur la bride ; puis voilà qu’on a vu la vache s’accroupir sur son train de derrière, pendant que Munier tirait en sens inverse, tant qu’il pouvait, de ses deux mains.

On a vu alors les brancards monter à frottement juste contre les flancs ronds de la bête, dépassant ses cornes du bout ; en même temps, le devant des glissoires s’était mis à porter à faux, de sorte qu’on a pu en voir le dessous ; puis toute la masse a basculé en avant, poussant la bête qui s’est laissée glisser sur ses sabots parmi les pierres, où deux traces luisantes se sont alors marquées, laissant voir les cailloux écrasés faire par place un petit peu de farine, tandis qu’une poussière montait de chaque côté des glissoires comme si elles avaient pris feu.

Heureusement qu’il y a des paliers, il y a des repos par moment dans ces pentes ; et un de ces paliers était venu dont Munier profita pour laisser souffler sa bête et pour souffler soi-même un peu.