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DANS LA MONTAGNE

haut faisait sans se presser ses arrangements ; peu à peu, on voyait les petits nuages blancs descendre. De là-haut, le chalet n’aurait même pas pu se voir, avec son toit de grosses pierres se confondant avec celles d’alentour, et les bêtes non plus ne pouvaient pas se voir, tandis qu’elles s’étaient couchées dans l’herbe et elles faisaient silence. Il y avait que le ciel allait de son côté, — nous, on est trop petits pour qu’il puisse s’occuper de nous, pour qu’il puisse seulement se douter qu’on est là, quand il regarde du haut de ses montagnes. Les nuages glissaient toujours aux pentes d’un même mouvement à peine saisissable, comme quand la neige est en poussière et qu’il y a ce qu’on appelle des avalanches sèches. Les petits nuages blancs descendaient ; — et lui, pendant ce temps, Joseph, était sorti et allait dans le pâturage, mais qui aurait pu le voir ? Est-ce qu’il comptait seulement ? N’étant même plus un point, lui, parmi les gros quartiers de rocs, qu’il contournait ; non vu, non entendu, vu de personne, entendu de personne ; n’existant même plus du tout par moment, parce qu’il disparaissait dans un couloir. Il longeait le torrent, sur le bord duquel se trouvent les