Page:Raoul - Trois satiriques latins, vol 1 Juvénal, 1842.djvu/107

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Quand le Bouvier tardif traîne son char glacé,
En hâte, à son réveil, courir demi-chaussé.
Quel souper cependant ! Un vin plat dont à peine
On voudrait se servir pour dégraisser la laine !
Le convive bientôt troublé par ce poison,
Corybante en fureur, va perdre la raison :
Des querelles d’abord ; puis volent les assiettes.
Votre sang qu’on étanche a rougi les serviettes,
Et clients, affranchis, de coups mortels atteints,
Roulent sur les débris des vases sagontins.
Lui, d’un vin pressuré du temps de Rome libre,
Quand les peuples latins campaient aux bords du Tibre,
Il boit, mais d’un ami faible et convalescent,
N’en réchaufferait pas l’estomac languissant.
Demain il goûtera d’un nectar de Sétine,
Si vieux qu’on n’en voit plus le nom ni l’origine,
Et tel que, pour fêter Brutus et Cassius,
Thraséas en buvait avec Helvidius.
La coupe du patron, avec art façonnée,
Est faite d’ambre pur et de béryls ornée ;
Tes doigts ne touchent point un si rare trésor :
Ou bien, s’il t’est permis de boire aussi dans l’or,
Un gardien insolent aposté par derrière,
Sous tes ongles aigus en compte chaque pierre.
Ne t’en offense point : le jaspe en est si beau !
Car Virron amateur de ce faste nouveau,
Ne porte plus au doigt sa pierre la plus belle,
Il en orne sa coupe ; et c’est là qu’étincelle.
Le rare diamant que, sur son baudrier,
Aimait à faire voir le jeune et fier guerrier,
En dépit de Junon, sur la plage africaine,
Au jaloux Iarbas préféré par la reine.
Pour toi, tu videras le calice grossier,
Qu’illustra de son nom Vatin le savetier,