Page:Raoul - Trois satiriques latins, vol 1 Juvénal, 1842.djvu/181

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SATIRE VII.


César seul est l’espoir, le soutien du talent ;
Seul, en ce siècle ingrat, d’un regard bienveillant,
Il a rendu la vie aux Muses inquiètes,
Lorsqu’on voyait déjà nos plus fameux poètes,
Des bains, des fours publics se faire les fermiers,
S’abaisser sans rougir à des emplois d’huissiers,
Et la triste Clio, réduite à la détresse,
Pour les palais des grands désertant le Permesse.
Dans le fait, pauvre auteur, si le docte vallon
Ne donne pas un as aux enfants d’Apollon,
Que ne vas-tu plutôt adjuger des tablettes,
Des urnes, des trépieds, de vieilles cassolettes,
La Thèbes de Faustus, son drame de Progné,
Et les vers en paquet du chantre d’Evadné ?
Ne vaudrait-il pas mieux, compagnon de Machère,
Exposer, comme lui, des haillons à l’enchère,
Que d’aller, d’un témoin trahissant le devoir,
Dire au préteur : J’ai vu, ce que tu n’as pu voir ?
Laisse cette ressource à ces nobles d’Asie,
Qui, de la Cappadoce et de la Galatie,
Nu-pieds dans nos remparts débarquant par milliers,
Y font voir tous les ans de nouveaux chevaliers.

 

Mais les temps sont changés, et l’homme de génie
A des vers éloquents mariant l’harmonie,
Le poète divin qui mordit le laurier,
N’aura plus à rougir d’un indigne métier.