Page:Raoul - Trois satiriques latins, vol 1 Juvénal, 1842.djvu/29

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Épargner, dans l’excès d’une sotte indulgence,
Un papier que perdrait cette importune engeance ?

Mais, allez-vous me dire, entre mille sentiers
Dans cette lice immense ouverts à vos coursiers,
Pourquoi suivre le char du poète d’Auronce ?
Êtes-vous de sang-froid ?... écoutez ma réponse.

Quand l’hymen, rougissant d’un opprobre nouveau,
Pour un infâme eunuque allume son flambeau ;
Quand, le sein découvert, échevelée, ardente,
Mævia dans le cirque, amazone impudente,
Le javelot en main, poursuit un sanglier ;
Quand celui dont le rude et frémissant acier
Sur ma barbe incommode errait dans ma jeunesse,
Lui seul à tous nos grands le dispute en richesse ;
Quand des fanges du Nil, sur nos bords transplanté,
Crispinus, un esclave, à Canope acheté,
Rejette sur l’épaule une pourpre insolente,
Et, les doigts en sueur, dans la saison brûlante,
Pour un plus lourd fardeau, mortel trop délicat,
De ses bagues d’été nous étale l’éclat,
Certe, au plus patient des mœurs de cette ville,
De laisser la satire il serait difficile.
Eh ! quel homme, fût-il ou de marbre ou d’airain,
Aux flots de sa colère imposerait un frein,
Quand Mathon, récemment doté d’une litière,
De sa rotondité l’emplit seul tout entière ?
Quand arrive après lui cet autre délateur,
D’un illustre patron cruel persécuteur,
Avide encor du peu qui reste à la noblesse ;
Que Massa par ses dons adoucit et caresse ;
Que redoute Carus, à qui, d’effroi troublé,
Latinus court offrir sa chère Thymelé ?
Quand il nous faut céder nos droits héréditaires
A ces gens que, pour prix de leurs nuits mercenaires,
Une vieille opulente élève jusqu’aux cieux ?