Page:Raoul - Trois satiriques latins, vol 1 Juvénal, 1842.djvu/73

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Trahit d’un fil grossier l’artifice récent.
Ce que le sort du pauvre a de plus déplorable,
C’est d’être ridicule aux yeux de son semblable.
Au banc des chevaliers introduit par hasard,
De l’inspecteur des jeux frappe-t-il le regard ?
Lève-toi, malheureux, sors de cette tribune :
Elle ne convient point à ton humble fortune.
Mais vous, du Proxénète impudiques enfants,
Venez vous y montrer pompeux et triomphants.
C’est ici qu’au milieu d’une élite bruyante,
De nos gladiateurs postérité brillante,
Du crieur enrichi l’héritier fastueux
À le droit de s’asseoir et d’applaudir aux jeux.
Ainsi l’a décidé, lorsqu’il marqua nos places,
Le frivole tribun qui nous rangea par classes.
Où voit-on l’indigent hériter d’un vieillard ?
Aux conseils de l’édile en quels lieux prend-il part ?
Quand s’est-il rencontré qu’un père de famille
Ait daigné l’accepter pour l’époux de sa fille ?
Oh ! que les plébéiens auraient fait sagement,
Si, n’écoutant jadis que leur ressentiment,
Et cherchant tous ensemble une terre plus libre,
Ils avaient sans retour quitté les bords du Tibre !
Le mérite, il est vrai, de fortune privé,
Quelques moyens qu’il tente, est partout entravé ;
Il veut surgir en vain ; mais c’est surtout à Rome,
Que de plus durs efforts rebutent l’honnête homme.
Que d’or pour le loyer d’un étroit logement !
Que d’or pour l’estomac d’un esclave gourmand !
Que d’or pour la plus simple et la plus maigre chère !
On rougit de manger dans des vases de terre !
Il n’en rougissait pas, cet illustre Romain,
Qui de son chaume obscur reprenant le chemin,
Pour l’habit du Samnite et sa table frugale,
Courait y déposer la pourpre triomphale.