Page:Raoul - Trois satiriques latins, vol 1 Juvénal, 1842.djvu/93

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Vous qui par le repos engraissés sous la glace,
Tombez tout engourdis dans les mers de la Thrace,
Quand Phœbus vient du Nord dissoudre les frimas,
Turbots du Tanaïs, vous ne l’égalez pas.
Le pêcheur le destine au pontife suprême.
A qui le vendrait-il ? le rivage lui-même
N’était-il pas aussi tout plein de délateurs ?
Bientôt environné de mille inquisiteurs
Qui de le dépouiller se feraient une joie,
Il se verrait forcé de leur laisser sa proie.
Aux dépens de César, nourri depuis longtemps,
Ce turbot, diraient-ils, a fui de ses étangs,
Et les lois à son maître ordonnent de le rendre.
Quel autre que César oserait y prétendre ?
Armillatus l’a dit, et l’oracle est certain :
Tout ce que l’Océan renferme dans son sein
De plus beau, de plus rare, en quelque endroit qu’il nage,
Est au fisc, de plein droit, dévolu sans partage.
A qui contre le fisc iriez-vous recourir ?
De peur qu’on ne l’arrache, il faudra donc l’offrir.
C’était vers la saison où la riche Pomone,
A l’aspect de l’hiver, fuyant avec l’automne,
De la fièvre fidèle au quatrième jour,
Fait à plus d’un malade attendre le retour.
Les autans précurseurs de la triste froidure
Protégeaient du pêcheur la récente capture.
Il se hâte pourtant, comme si de l’Auster,
Au plus fort de l’été, le souffle embrasait l’air.
A peine des murs d’Albe il découvre les restes,
Et ce lac où Vesta, sous des lambris modestes,
Nourrit encor le feu de l’antique Ilion :
A l’aspect imprévu du superbe poisson,
Quelque temps en extase on s’arrête, on admire :
Bientôt avec respect la foule se retire ;
On ouvre ; et, s’avançant vers le chef de l’État,