Page:Rappoport - La Philosophie sociale de Pierre Lavroff.djvu/34

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Déjà les termes mêmes de cette définition du socialisme reproduisent exactement ceux de la formule du progrès donnée par Lavroff. L’évolution historique développe, selon ce penseur, la solidarité et la conscience individuelle. Or, le principe de coopération réalise la solidarité. Et par « développement universel » notre penseur n’entend autre chose que le développement de la conscience individuelle de tous. Dans cette même définition se retrouve également le principe du développement intégral de l’individu, fondement de la morale. Ainsi l’unité entre la philosophie de l’histoire, la morale et sa conception socialiste est complète. Le progrès se réalise par le socialisme. Il correspond à notre devoir moral. Progrès, socialisme, devoir ne font donc qu’un. Ils découlent du même principe qui est celui du développement universel. L’unité de doctrine est absolue. Nous ne connaissons pas une autre théorie socialiste ayant atteint cette unité idéale, réunissant dans le même principe l’histoire, la morale et la sociologie.


III

Pierre Lavroff ne se borne pas à formuler les principes généraux de son système. Il cherche à montrer leur réalisation graduelle au cours de l’évolution historique de l’humanité.

Le principe de la solidarité subit une évolution lente mais sûre et presque ininterrompue.

Les peuples primitifs, en guerre permanente entr’eux, réalisent pourtant des éléments importants de solidarité, les coutumes religieuses et autres. L’intérêt individuel est subordonné aux rites et exigences de la tribu. Cette solidarité primitive contient les germes d’une solidarité supérieure. C’est le socialisme primitif. Mais il est privé d’un caractère progressif. Et cela grâce à la suppression de l’individu, à l’absence de la critique et de la conscience individuelle. La solidarité ne se réalise que pour les membres d’une même tribu. Les tribus elles-mêmes cherchent à se détruire mutuellement.

Pourtant les tribus se transforment en nations qui tout en conservant les traits généraux d’une civilisation coutumière, laissent toutefois plus de liberté à l’individu et au développement de la critique et de la conscience individuelles. Si les liens qui unissent les membres d’une même nation sont plus faibles que ceux de la tribu, l’union entre différentes nations devient plus solide. Les guerres souvent n’ont plus comme conséquence l’extermination totale des vaincus. La nation vaincue s’adapte parfois à une vie commune avec son vainqueur. D’autre part il s’établit entre les nations indépendantes des relations écono-