Page:Ratel - Isabelle Comtat, Le Raisin vert, 1935.djvu/133

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
115
LE RAISIN VERT

— Il est à la plage de boue, répondit Amédée. Il barbouille un tableau.

— Il n’avait pas l’intention de pêcher ?

— Je ne crois pas.

Isabelle regarda autour d’elle avec malaise, passa la main sur son front qui s’emperlait de sueur et murmura d’une voix angoissée :

— Il faut absolument que je sache s’il a pris du poisson.

Amédée éleva le ton :

— Puisque je vous dis qu’il est en train de peindre ! Vous voulez du poisson ? Allez chez le pêcheur, au bout de l’île.

— Oui, dit tout à coup Isabelle, avec un empressement fiévreux. Oui, c’est cela, je vais chez le pêcheur.

Elle rentre en courant dans la maison, saisit son grand chapeau, son ombrelle et part, très vite, ses petits talons martelant le sol dur.

Amédée la regarde s’éloigner et lève les épaules. Cette nervosité à propos de poisson, cette vie toujours tendue au paroxysme…

Il se retourne et voit le Corbiau, qui le regarde de ses larges yeux pleins d’anxiété :

— Qu’est-ce qu’elle a, Isabelle ? Qu’est-ce qui se passe, oncle Amédée ?

— Il se passe, dit Amédée, que ta tante va chercher pour deux francs de soles et que l’on croirait que la maison brûle. Il se passe que Mme Le Cloarec est une imbécile, sa fille une petite ordure et Laurent le dernier des voyous. Il se passe que j’en ai assez de crever d’ennui et de chaleur dans ce pays et que ces vacances sont mortelles. Et si tu peux me convaincre du contraire, je te paie une grenadine à l’auberge. Ce sera peut-être une distraction.

Isabelle n’essayait même plus, à présent, de raisonner son impulsion. Elle descendait en courant et