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LE RAISIN VERT

ai promis que nous passerions la journée ensemble, aujourd’hui. Je n’étais pas sûr que tu pourrais venir, à ce moment-là.

— Eh bien, va le chercher, dit Isabelle à regret. Évidemment, j’aurais mieux aimé que nous soyons tout seuls, mais on ne peut pas le laisser se morfondre, ce pauvre enfant, va le chercher.

Laurent se mordilla la lèvre, sans bouger.

— Ah ! oui, dit vivement Isabelle. Oui, je comprends. Oui, cela ne l’amuserait pas beaucoup, Jacques Henry, de me voir avec toi, bien sûr. Oui, vous aviez fait des projets. Eh bien, allez vous amuser tous les deux, je t’attendrai.

« Tu viendras bien me dire au revoir avant de rentrer à la caserne ? reprit-elle, le cœur pantelant de l’espoir qu’il allait s’écrier : « Mais je déjeune avec toi, voyons ! »

— Bien entendu, dit Laurent d’un air scandalisé. Je dois rentrer à six heures. Tiens, je serai là à cinq heures et demie, sans faute.

« Mais toi, demanda-t-il, saisi d’une subite inquiétude, tu ne vas pas t’ennuyer ?

— Jamais de la vie. J’adore les villes de province, tu sais bien.

— Eh bien, à ce soir, dit Laurent en l’embrassant de tout son cœur. On a eu un bon moment ensemble, hein ? C’était presque un moment des Bories.

« Au revoir, promène-toi bien. Tu verras, il y a de beaux vitraux à la cathédrale et, sur la petite place, tu trouveras de ces vieilles bicoques comme tu les aimes. Moisissure artistique du quatorzième. Ceux qui les ont construites ne pensaient pas à épater les touristes, mais comme elles ont cinq cents ans, tout le monde fait « beûh »… Dommage que les gens ne gagnent pas autant à prendre de la bouteille. Au revoir, je t’aime bien fort, tu sais ? La prochaine fois, tu m’amèneras les filles.