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LE RAISIN VERT

la maison et la pension Rémusat. Il y avait un crucifix dans le parloir, mais de beaux arbres dans le parc et ceci, à ses yeux, compensait cela. Et, bien qu’elle conservât de son enfance, étouffée sous les mortifications dévotes, une sorte d’horripilation féline qui se manifestait au seul mot de « catholique », elle se décida sans trop de répugnance à confier Laurent au prêtre qui dirigeait le Collège du Saint-Esprit, parce qu’il avait la poignée de main franche, de belles manières simples, un regard droit et un air de tristesse désabusée qui engagea Mme Durras à voir en lui une victime de la vocation ecclésiastique. Aussi se sentit-elle pour lui la sympathie spontanée qu’une femme mal mariée éprouve pour une autre qu’elle suppose dans le même cas.

Deux circonstances achevèrent de la décider : M. Alapetite avait été, à l’école de Rome, le disciple favori de Mgr Duchesne, ce prélat académicien dont l’esprit caustique avait criblé l’Église et la papauté de brocards célèbres. Enfin, en parlant de son collège et de sa direction M. Alapetite disait : « Je » et non pas « nous ». C’était, à coup sûr, une cellule du grand corps, mais une cellule relativement indépendante. Mme Durras lui amena Laurent, qui, après l’avoir examiné quelques instants de son regard à la fois direct et méfiant, lui répondit d’un jet, sans bégayer et ne s’embrouilla pas d’un iota dans la dynastie des Capétiens. L’épreuve était concluante. Il ne restait plus qu’à obtenir l’assentiment de M. Durras.