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IV


Il arrivait assez fréquemment qu’une prospection de terrain commanditée par une société industrielle ou quelque voyage de recherche personnelle amenât M. Durras à s’absenter de Paris pour plusieurs jours. Isabelle en profitait pour jouer du Beethoven à pleines mains, voir quelques jeunes femmes de ses relations et inviter à la maison les amis des enfants. Alors, les cristaux sortaient des buffets, les dentelles des tiroirs, l’arôme des amandes grillées se mariait au baume du chocolat fondu et l’odorante chaleur des pâtisseries que l’on retire du four dilatait la maison. C’était de grands jeudis, funestes pour les parquets, les tapis, les placards, mais dont on parlait longtemps.

Aussi, lorsqu’il fut question, en ce mois de février, d’une fête costumée qui devait avoir lieu à la pension Rémusat l’après-midi de la mi-Carême et que Laurent lui-même parut tenté d’y aller avec ses sœurs, le premier mouvement d’Isabelle fut de leur combiner des costumes, le deuxième de se relever la nuit pour les coudre, pendant que son mari dormait, le troisième, de sommer la Providence de lui venir en aide en expédiant M. Durras en province au bon moment.

Obtenir son assentiment, il n’y fallait pas compter. Bien qu’il n’eût plus fait allusion aux leçons de danse, le grief demeurait. Perpétuel spectateur d’un festin de joie auquel il ne pouvait prendre part, il remâchait l’offense et perpétrait sans cesse contre les siens les amères représailles du pauvre.