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LE RAISIN VERT

— Oui, répliqua Laurent d’un ton froid, je les ai coupés. Sont-ils à moi ou non ?

Et il regarda sans pitié cette jeune femme qui s’était assise sur le canapé, les genoux fauchés, et qui disait doucement, les yeux fermés pour retenir ses larmes :

— Mais bien sûr, mon petit, mais bien sûr, mes enfants… Allez, je comprends, je ne vous en veux pas.

Et puis elle prit Lise contre elle et lui caressa les cheveux pour la consoler. On allait arranger ces cothurnes, les doubler de toile raide, ce serait bien vite fait.

— Non, non, protesta Lise, hoquetant et reniflant. Ils sont très… très bien, ces cothurnes. Il est très… très bien, mon costume. Je suis très… très contente. Tout… tout ça, c’est parce que Laurent a dit que j’étais quelconque. Il a toujours raison, ce chameau-là. Chameau, chameau, graine de chameau !

— Idiote, grogna Laurent. Tu veux qu’on te fasse des compliments ? Mais voui, t’es belle, ma crotte ! Zozie, mizouette, craponnette, des petits cheveux, des petits yeux, pouah, pouah, idiote, sale fille ! Tu as fini de pleurer ? Tu vas te faire enfler le pif et il aura l’air d’une tomate. Maman, ma gentille, regarde-moi… Je t’ai fait de la peine ?

Il avait pris la main de sa mère et la caressait doucement contre sa joue.

— Écoute… murmura-t-il tout bas. Il faut combien de temps pour que les cils repoussent ?

Et voilà, c’est ainsi. On le savait bien, qu’il fallait se méfier, que c’était un piège.

Ce n’est pas normal, d’avoir tant de joie et que tout aille si bien. L’oncle Amédée qui vide la place au bon moment, ces préparatifs de fête, ce costume… ce merveilleux costume de toutes les couleurs, qui vous