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LA MAISON DES BORIES

ment, comme pour éviter de s’y appuyer, et il s’efforçait, par un scrupule de délicatesse, d’en détourner aussi sa pensée.

La tumeur immatérielle se résorba lentement, disparut. Il y eut de nouveau à gauche une zone calme et légère et le jeune homme appartint tout entier au rayonnement jaune orangé qu’avait éveillé dans son esprit le nom d’Isabelle en ressuscitant le souvenir d’un massif d’escholtzias, tout un tertre de petites coupes de flammes au vent, qu’il avait vu, en mai, il ne savait plus quelle année, dans il ne savait plus quelle ville du Sud.



Aussitôt après le déjeuner, M. Durras emmena le visiteur dans son bureau. Ils n’en redescendirent qu’à l’heure du thé et Amédée, le visage satisfait, détendu, annonça à sa femme que leur hôte passerait aux Bories la journée du lendemain et que le surlendemain tous deux partiraient pour une excursion d’une huitaine de jours dans les montagnes du Cantal.

« Bénies soient les montagnes du Cantal, » pensa Isabelle, mais elle répondit : « Bien, mon ami, » et s’en fut à la cuisine donner l’ordre de préparer une chambre pour M. Kürstedt. Ludovic achevait d’essuyer la vaisselle. Il lui jeta un de ces coups d’œil obséquieux et sournoisement hostiles qu’elle ne pouvait souffrir.

Décidément, elle n’aimait pas ce garçon, ses yeux couleur d’huître, son front de singe, bas et bilieux, aux cheveux plantés droit… Sale tête ! Lui non plus ne l’aimait pas, quoiqu’elle le traitât toujours avec la plus exacte politesse. Mais il était adroit et débrouillard, tour à tour cocher, jardinier, valet de chambre, et puis sa femme avait tant de qualités…

Quand Mme Durras eut refermé la porte, Ludovic gonfla les narines et tira sa bouche de biais. C’était sa