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LA MAISON DES BORIES

hirondelles et ressortaient plus vite qu’ils n’étaient entrés.

— Ne vous sauvez donc pas comme ça, leur dit-il un jour, d’une voix mécontente. Asseyez-vous et restez un peu tranquilles.

Ils s’assirent en cercle, posèrent les mains sur leurs genoux et le regardèrent, de leurs yeux brillants, quêteurs, qui paraissaient toujours attendre quelque chose d’étonnant. Amédée cherchait désespérément un sujet de conversation. Lise vint à son secours :

— Et puis z’alors, papa, à quoi tu penses, quand tu es comme ça tout seul dans ton lit ?

— Mais… à rien. Je me repose.

— Tu te racontes pas des histoires ?

— À mon âge on n’aime plus les histoires.

— Eh ben vrai, zut ! Heureusement que j’aurai jamais ton âge ! Tu veux pas que je t’en raconte une tout de même, pour voir ?

— Si tu veux…

Il était sensible à l’intention, mais dès les premiers mots, il perdit pied.

« Et puis z’alors, le prince des Escarboucles dit à ses écuyers de seller son cheval blanc. Et puis z’alors dans la forêt, y avait des corolles et des topazes plein. Et puis z’alors, une fée arriva, avec une robe de clair de lune et un manteau d’argent brochant sur le tout. — Non, monsieur, vous êtes qu’une calembredaine. — Tarare, madame, mon cœur est à vos pieds. — Pouh ! là, là, vot’cœur, si vous saviez ce que j’aime mieux une boîte à thé d’hurluberlus, la loi punit le contrefacteur… »

— Quoi ? quoi ? Mais elle n’a ni queue ni tête, ton histoire, ma pauvre fille, elle est absurde !

Lise se tut brusquement, se mordit la lèvre et contempla son pied potelé, nu dans sa sandale, qu’elle balançait avec rage. Tout allègre et confiant que fût son caractère, ce n’était pas absolument ce qu’on