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XVII


Pâques, cette année-là, tomba le 1er avril. On n’avait eu jusqu’alors aucune nouvelle du printemps enseveli sous la neige.

Le matin en s’éveillant, les enfants virent les rameaux de buis chargés de friandises attachés à un barreau de leur lit, près du chevet, et ils surent que cela voulait dire : Résurrection.

Quand les rameaux furent dégarnis, on fit tourner les petites feuilles rondes et vernies sur le fourneau de la cuisine. Elles se creusaient et viraient à toute vitesse comme des barques folles en dégageant une merveilleuse odeur mélancolique de vieux parc enchanté par le temps — l’odeur même de ce conte d’Andersen où le rossignol charme la mort en lui chantant la douceur du cimetière fleuri d’orties.

L’après-midi, un coup de vent d’ouest poussa sur le plateau un tourbillon de flocons lourds qui fondaient en touchant terre et cessèrent de tomber au moment où ils devenaient des gouttes de pluie molle. Le lendemain, des îlots de terre noire affleuraient, entre de larges plaques de grosse neige détrempée, aux cristaux lâches et qui pompaient la boue avant d’être eux-mêmes aspirés dans la profondeur du réseau lâche et spongieux, pour gorger de leur suc les bulbes des orchis et des narcisses blancs. Et le printemps se rua sur la montagne. L’eau ruisselait le long des pentes, miroitait dans les creux, brisant