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III


La fenêtre de la chambre des enfants était grande ouverte sur la nuit, sur la rumeur du vent qui parcourait le haut plateau, la lande de bruyère, l’étendue des seigles, brassait sans fin la houle sombre des sapins, derrière la maison qu’il enveloppait de son lasso fluide, toujours courant après lui-même.

Le point d’or de la veilleuse clignotait, projetant au plafond l’ombre agrandie de la rondelle de liège qui flottait dans l’huile. Cette veilleuse était là pour protéger Lise des terreurs nocturnes, car elle voyait toutes sortes de choses dans l’obscurité.

Pour le moment, elle ne craignait rien. Elle luttait contre le sommeil, par plaisir, pour jouir plus longtemps du reflet de la veilleuse au plafond, de l’odeur de la nuit, de la voix de Chientou, qui dialoguait, dehors, avec le vent, par de brefs aboiements, d’abord, puis par quintes…

Le Corbiau soupira en se retournant dans son lit. Celle-là aimait le sommeil, mais elle se réveillait parfois brusquement, sans cause, et se dressait sur son séant, comme affolée. Ce soir, elle semblait dormir paisiblement.

Laurent se souleva sur son coude, jeta un regard du côté du lit de sa sœur :

— Lise, chuchota-t-il, écoute…

— Quoi ?