Page:Ratel - La Maison des Bories.pdf/78

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
72
LA MAISON DES BORIES

Les ondulations de chenille reprirent sous la couverture, mais en sens contraire. On vit paraître une boucle, puis un œil effaré, violet de rancune, puis un petit visage cramoisi qui poussa un jurement, un crachement de chat en colère :

— Ch… Chameau ! sale ch… chameau !

— Pourquoi tu gobes tout ce qu’on te raconte ? demanda Laurent, du ton d’un éducateur qui prend son rôle au sérieux. Tu sais bien qu’il n’y a pas de bête, c’est le vent de la Margeride.

Lise le regarda encore un moment d’un air froncé, puis brusquement sa figure se détendit et brilla :

— Tu dis que c’est le vent de la Margeride ? reprit-elle de sa petite voix extatique de clochette voilée.

— Bien sûr, grogna Laurent. Allez, dors, idiote.

Il se retourna sur le côté, ferma les poings et fonça dans le sommeil, tête baissée, comme un petit taureau.

Mais Lise se répétait avec ravissement :

— C’est le vent de la Margeride, c’est le vent de la Margeride…

Il en savait de jolies choses, ce Laurent !

Cependant, quand elle sentit venir le sommeil, elle rabattit le drap sur sa tête. On ne savait jamais… si la bête, pendant la nuit, allait sortir sournoisement du vent de la Margeride…



Comme dix heures sonnaient, M. et Mme Durras montèrent l’escalier. Amédée parlait fort, selon son habitude, et Isabelle faisait « Chut, chut ! »

Ils entrèrent dans la chambre de Mme Durras, qui faisait face à celle des enfants, de l’autre côté du couloir. Quelques minutes après, la porte du cabinet de toilette qui donnait également sur le couloir s’ouvrit doucement, furtivement. Isabelle en peignoir et pieds nus faisait sa ronde.