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TROIS PARMI LES AUTRES



I


Antoinette avait fait asseoir Annonciade loin des fenêtres, pour tâcher d’oublier que dehors c’était dimanche et que les feuilles des marronniers succombaient sous la poussière de juillet.

Ainsi, leur réunion avait l’air d’un plaisir libre, non réglementé par le jeu d’écluses hebdomadaire qui remplissait Paris d’une lente marée de familles en promenade. Elles pouvaient ignorer que le lendemain débuterait par la matinée la plus maussade de la semaine et qu’elles devraient voyager, dans le métro, avec tous ces visages d’esclaves malades qui sont les travailleurs du lundi, — Antoinette mêlée au peuple de huit heures, pour aller prendre son service d’externe à Beaujon, — Annonciade, deux heures plus tard, parmi une foule mieux habillée et comme vernie, hommes de bureaux, mannequins, vendeuses, quand elle irait livrer aux maisons de couture ses étoffes peintes.

Mais aujourd’hui, les deux jeunes filles voyaient devant elles une après-midi de bavardage ou de silence, de thé, de cigarettes et de gourmandise.

Antoinette observe sur le visage de son amie