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TROIS PARMI LES AUTRES

arrêt, si bien qu’on ne l’entendait plus. Mais par intervalles, la note liquide du crapaud s’égouttait très clairement dans le jardin profond. Sous l’empire d’un enchantement vague, les jeunes filles tremblaient un peu, bien qu’il fît tiède.

— C’est une nuit de sabbat, dit une des voix.

Une autre se moqua :

— Où sont les balais ?

— Faisons une incantation, pour voir si on va s’élever en l’air.

— Ohl oui, une incantation… Mais qu’est-ce qu’on va dire ?

— Attends… Ah ! zut, tout à l’heure il me passait des tas d’idées par la tête, quand je veux les attraper, elles s’évaporent.

— Si on connaissait une formule magique !

— Toine, tu ne connais pas une formule magique ?

Silence. Quelqu’un rit tout bas. Une ombre fait « chut », rit à son tour, se tait, frissonne. Silence.

Une voix de mezzo s’élève, claire et lente. On sent que pour un rien elle se briserait en éclats de gaieté :

« Par la nuit. Par l’oiseau. Par le vent.

« Secrètes comme la nuit, libres comme l’oiseau, hardies comme le vent, nous sommes trois. Une et une et une. »

— Hou !…

— Tais-toi donc…

— Séparées du monde, libérées du temps, hors des lois, des devoirs et des droits, nous sommes trois. Une et une et une.