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TROIS PARMI LES AUTRES

glaise l’avait surnommée Little Miss Everthinking.

— C’est tout à fait cela, triompha Suzon. Elle est de plus en plus Miss Everthinking. Avec ça, une tendance au paradoxe, comme tous les gens intelligents…

— Ne dites pas comme tous les gens intelligents, coupa Robert Gilles. Dites comme tous les gens qui aiment à jouer avec leur intelligence. C’est un jeu amusant, mais stérile. Une véritable intelligence, tendue vers l’action, une intelligence mâle, enfin, ne s’amuse pas à ces balivernes.

— Pourtant, reprit Suzon, qui sentait une agréable chaleur serpenter le long de ses côtes, Antoinette a plutôt une intelligence mâle. Elle fait sa médecine. Ce sont des études d’homme. Eh bien, à chaque examen, elle passe devant le nez de tous les étudiants. Toujours en tête. On peut dire d’elle que c’est un garçon supérieur. Elle a aussi un caractère plutôt viril, — énergique, volontaire, jamais d’attendrissement… C’est bien pour cela qu’elle est si nécessaire à ma sœur qui est tellement femme… C’est peut-être aussi pour cela qu’Annonciade s’intéresse si peu aux hommes, — du moins jusqu’à présent. Je crois qu’elle ne se mariera que si son amie lui présente un homme en lui disant : « Voilà, prends-le, je passe la main… »

— L’expression est admirable, sourit André en échangeant un regard avec Robert Gilles.

Toute l’innocence du monde s’est réfugiée dans les yeux de Suzon.

— C’est très heureux pour ma sœur, dit-elle, cette amitié. Cela remplit sa vie. Le seul inconvénient, peut-être, c’est qu’elle prend un peu trop