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TROIS PARMI LES AUTRES

graphier sur toutes les coutures et prend des poses. André photographie et rumine des pensées couleur de chambre noire. Il a accepté ce poste chez l’éditeur et je crois qu’il commence déjà à le regretter. Nous pensons rentrer à Paris la semaine prochaine, et justement, je venais demander à Annonciade et à vous-même, Antoinette, si vous voulez rentrer avec nous toutes les trois ? Nous partons en voiture, bien entendu.

— Pour moi, je vous remercie, mais je compte rester ici quelque temps encore. Vous vous entendrez avec Annonciade et Suzanne. Je crois qu’elles ne demanderont pas mieux.

— Vous allez rester seule ici ? Ce ne sera pas bien gai, avec les froids qui vont venir.

— Je ferai du feu.

L’image d’Antoinette assise auprès d’un feu clair…, son profil si nettement découpé se détache en ombre chinoise sur l’écran de flammes. Elle est triste, elle est seule.

— Et vous irez demander des leçons d’austérité au plateau de Gagny ?

Elle se tait, saisie. Pourquoi parle-t-il du plateau de Gagny ? A-t-il deviné qu’elle voulait y monter pour se repaître de tristesse et de vent âpre ?

— Un de ces jours, nous verrons arriver un moinillon vêtu de bure… Ce sera le Frère Toinon qui viendra nous prêcher le renoncement… Frère, il faut mourir !

Frère… ô puissance d’évocation des mots… « Je suis la Jungle et je t’aime, Petit Frère, comme aucune femme ne t’aimera jamais. » Et aussi, les songeries du temps heureux où elle appelait les