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TROIS PARMI LES AUTRES

sant. Cela dépendra de bien des choses… Si vous repartez pour les colonies…

— Pourquoi ne viendriez-vous pas avec nous, une fois ? Cette vie aventureuse et saine — car je choisirai maintenant des pays sains — vous conviendrait tellement bien…

(Tellement mieux qu’à Annonciade, pense-t-il tout à coup. Et, comme appelé par cette pensée, un tableau se précise : Antoinette marchant à ses côtés, dans la brousse, avec les longues foulées de ses hautes jambes, son air décidé, ses yeux graves. Dans la maison qu’ils vont retrouver, Annonciade vêtue de toile blanche prépare des boissons fraîches. Elle est elle-même délicieuse à boire. Bigamie ? Mon Dieu ! oui. L’inconscient ne s’effraie pas pour si peu.) Mais Robert, homme civilisé, se gendarme contre sa vision et veut se donner le change :

— Annonciade ne pourra pas renoncer à vous…

— Oh ! oh ! réplique Antoinette avec un petit rire désabusé, je ne me fais là-dessus aucune illusion…

— Ah ! vous voyez bien que vous m’en voulez…

— Jamais de la vie. Peut-on en vouloir à un tremblement de terre ? Je vous accepte, Robert, et sans nulle haine, croyez-le bien.

— Eh bien ! tenez, s’écria Robert impulsivement, voilà un mot qu’Annonciade ne dirait jamais. Elle se soumet, mais elle ne connaît pas cette acceptation volontaire qui sauvegarde la dignité dans la soumission. Vous, vous savez accepter, sans plier. C’est pour cela que j’aurais besoin de vous pour… lui former un peu l’esprit…

(Comment ! Il n’y a pas un mois, il s’achar-