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III

Dans le train qui les emportait, Antoinette renseignait ses amies :

— Gagny n’est pas beau. C’est un pays où la terre produit trop de choses inanimées : trop de tuiles, trop de cailloux. Même les vignes, avec leurs feuilles sulfatées, donnent aux coteaux un aspect de turquoise morte. Mais le regard porte loin, et, de quelque côté qu’on se tourne, c’est la Bourgogne. Il est vrai que ce nom, pour vous, ne veut rien dire…

« Mais je pense que la maison vous plaira. Il y a, en bas, d’immenses vieilles cuisines qui sentent la pierre et l’eau rouillée. On sort de là par un drôle de petit escalier casse-cou qui conduit à l’unique étage, surélevé du côté de la cour, de plain-pied avec le parc. Cet étage est tout en longueur. Au centre, une salle à manger où on pourrait donner un bal, dallée de carreaux noirs et blancs, en damier. Les chambres sont distribuées de chaque côté, mais il n’y a guère que l’aile droite qui soit habitable. L’aile gauche est glaciale, même en été ; on y trouve de cocasses petits couloirs, des antichambres carrées qui ne mènent à rien et des pièces pavées de brique rouge, dont les vitres sont devenues vertes à force d’avoir bu le reflet du parc… »