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TROIS PARMI LES AUTRES

ce pauvre village, un homme jeune et qui a fait la guerre…

— Qu’il a de beaux chiens ! s’écria Annonciade. L’épagneule surtout…

— La Tosca, parfaitement. Tosca, Paillasse et Rigoletto. M. le curé est un grand amateur de musique d’opéra. Oh ! de musique sacrée également. Il a un baryton de toute beauté, qui manque seulement un peu de discipline. C’est un entraîneur de premier ordre pour notre chorale des Vaillantes. Pendant le mois de Marie elles ont fort bien chanté l’Ave Maris Stella. Mais je préfère encore entendre M. le curé en solo. C’est un vrai régal.

— Gagny est vraiment favorisé, à ce que je vois. Monseigneur vous a gâtés en vous envoyant M. l’abbé… quel nom ?

— M. l’abbé Graslin. Mais oui, certes, en un sens, Monseigneur a fait un heureux choix. M. le curé a certainement de grandes qualités. De trop grandes qualités, dirai-je peut-être, pour un petit village…

— Ne les apprécierait-on pas à leur valeur ?

— Mon Dieu, il est certain qu’on les apprécie. Mais pour reprendre votre expression, mademoiselle Antoinette, je ne sais si on les apprécie tout à fait à leur valeur. Il faudrait que M. le curé fût entouré d’esprits sensibles à la beauté du culte, comme vous et moi. Au lieu qu’ici… En un mot, comme me disait récemment M. le chanoine de Montrichet : « Nos bonnes gens aimeraient mieux qu’il fût un peu moins liturgique et un peu plus eucharistique… »

Le regard de Mme Poyet fit le tour des trois visages, comme le rayon d’un phare bleu :