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Page:Ratel - Trois parmi les autres, 1946.djvu/74

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TROIS PARMI LES AUTRES

Le curé parut réfléchir.

— Vous tenez absolument à la race ?

— Est-ce que tu tiens à la race, Annonciade ?

— Mais, dit Annonciade, je ne sais pas… Ce n’est pas pour moi que tu veux ?…

— Mais si, c’est pour toi. Tu seras la mère, Suzon la tante et moi la marraine.

-— Mâtin ! s’écria l’abbé Graslin, voilà un gosse qui ne manquera pas de nourrices. Écoutez : si vous voulez faire une adoption, je m’en vais vous donner le bâtard de Tracy.

Le bâtard de Tracy était enfermé dans la remise, à l’abri des entreprises de Rigoletto, qui ne pouvait le souffrir. Il jouait innocemment à déchirer sa corbeille, pour se faire les dents. C’était un chiot de trois mois environ, tacheté comme un braque, avec le corps et les pattes d’un basset.

L’abbé Graslin expliqua que la mère de ce chien, une bleue d’Auvergne de toute beauté, appartenait à M. de Tracy, un châtelain du voisinage. Elle avait rapporté d’une escapade vulgaire cette portée de bâtards. M. de Tracy, qui était absent lorsqu’elle mit bas, entra dans une telle fureur en voyant la portée qu’il fusilla sa chienne et fit noyer les chiots à la rivière.

— Quelle brute ! cria Annonciade, dressée sur ses petits pieds comme une bergeronnette en furie.

— Ah ! mademoiselle, dit le curé, il faut comprendre la mentalité d’un cynophile. Une chienne qui a été couverte par un salaud de chien sans pedigree est perdue pour la reproduction. On