Page:Ratel - Trois parmi les autres, 1946.djvu/87

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
77
TROIS PARMI LES AUTRES

toinette faisait un pâté de lapin : rien au monde n’aurait pu les distraire de ces occupations sacrées.

Ce qui enchantait la petite, c’était moins encore sa liberté présente que le concours de circonstances qui la lui avait procurée : elle y voyait l’effet d’une mystérieuse volonté. Le hasard, une fois de plus, se montrait ce serviteur docile et plein d’initiative dont elle attendait chaque jour les surprises en frémissant.

— Rigoletto, hop ! Rigoletto ! Où est Siki ? Où est-il, Siki ? On va le voir, hein ? on va voir son petit frangin ? son petit frangin de Frangy ?

Elle se mit à chanter à tue-tête :

Frangin, Frangy
Frangy, Frangin,
Le Frangin
de Riri,
Le Frangin
de Siki,

Frangin, Frangy, Frangin, Frangy !

puis s’interrompit avec un éclat de rire :

— J’ai l’air d’une folle !

Il avait plu la nuit et une partie de la matinée. À présent, les nuages s’élevaient, chassés par le vent d’est qui lançait sa chevauchée aérienne à toute allure sur les collines mouillées. La jeune fille riait de sentir contre ses flancs l’effort vain de Centaure ailé et respirait à pleins poumons le fumet de terre et d’arbres, le goût de mort et de germination qui roulait dans l’air comme un torrent. Une déchirure des nuées laissait luire très haut une flaque de ciel bleu, comme un puits