Page:Ravaisson - De l’habitude, 1838.djvu/11

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

I. La loi universelle, le caractère fondamental de l’être, est la tendance à persister dans sa manière d’être.

Les conditions sous lesquelles l’être nous apparaît sur la scène du monde, sont l’Espace et le Temps.

L’espace est la condition et la forme la plus apparente et la plus élémentaire de la stabilité, ou de la permanence ; le temps la condition universelle du changement. Le changement le plus simple, comme le plus général est aussi celui qui est relatif à l’espace même, ou le mouvement.

La forme la plus élémentaire de l’existence est donc l’étendue mobile ; c’est ce qui constitue le caractère général du corps.

Si tout être tend à persister dans son être, toute étendue mobile, tout mobile (car il n’y a de mobile que ce qui est étendu) persiste dans son mouvement ; il y persiste avec une énergie précisément égale à la quantité de ce mouvement même ; cette tendance à persévérer dans le mouvement est l’inertie[1].

Dès le premier degré de l’existence se trouvent donc réunis : la permanence, le changement ; et, dans le changement même, la tendance à la permanence.

Mais l’inertie n’est pas une puissance déterminée, susceptible d’être convertie en une disposition constante. C’est une puissance indéfiniment variable comme le mouvement même, et indéfiniment répandue dans l’infinité de la matière. Pour constituer une existence réelle, où l’habitude puisse prendre racine, il faut une unité réelle ; il faut donc quelque chose qui, dans cette infinité de la matière, constitue, sous une forme ou sous une autre, l’unité, l’identité. Tels sont les principes qui déterminent, sous des formes de plus en plus compliquées et de plus en plus particulières, la synthèse

  1. Voy. Leibnitz passim, et surtout Théodicée.