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LA PHILOSOPHIE EN FRANCE

règle du bien ; dans les choses intellectuelles, la connaissance du vrai ; dans les choses de pur agrément, le caractère du beau. » Et, après avoir indiqué ce qu’il y a de contradictoire dans les théories d’après lesquelles il n’y aurait que des vérités relatives, elle fait voir qu’il y a nécessairement un type d’après lequel nous jugeons, nous comparons, nous mesurons, et que ce type nous le trouvons dans la conscience que nous avons de notre propre être. « Doutera-t-on que le type de l’être ait une réalité absolue, lorsqu’on voit la langue des calculs faire jaillir d’une seule réalité qu’elle a suivie toutes les réalités liées à la première par une essence commune ? » Le progrès de la science, c’est de tout ramener par l’observation et le calcul à l’unité de ce type, « qui a son modèle dans le sentiment de notre propre existence. L’être nous appartient, il pénètre notre intelligence et l’éclaire du flambeau de la vérité. Les idées du beau, du bon sont plus compliquées : nous les devons à la comparaison entre les connaissances acquises et notre modèle intérieur. » Et encore : « C’est à l’uniformité des conditions de l’être qu’il faut rapporter le sentiment d’analogie qui dirige toutes les opérations de notre entendement. Aujourd’hui que différentes branches de la physique sont entrées dans le domaine des sciences mathématiques, on voit avec admiration les mêmes intégrales, à l’aide des constantes fournies par plusieurs genres de phénomènes, représenter des faits entre lesquels on n’aurait jamais soupçonné la moindre analogie. Leur ressemblance est alors sensible, elle est intellectuelle, elle dérive des lois de l’être ; et ce qui fut autrefois le rêve d’une imagination hardie, incertaine encore des formes qu’elle osait revêtir, l’identité des rapports de l’ordre et des proportions dans les existences les plus diverses, apparaît aux yeux en même temps qu’à la pensée, avec l’évidence qui appartient aux sciences exactes. »

Auguste Comte n’alla jamais si avant. Jamais il ne voulut