Page:Ray - Histoires de vampires (extrait Le Gardien du cimetière), 2010.djvu/10

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Ossip, le second gardien, le seul qui sortait du cimetière pour aller aux provisions, nous confectionnait d’exquis petits plats de gibier. Oh ! je me rappelle une étonnante galantine de volaille, figée dans un jus doré et qui fondait dans la bouche, onctueuse comme une crème de viandes tendres, de truffes, de pistaches, de piments et de graisse fine.

Mes journées se passent à manger et à me promener dans le mélancolique parc qu’est devenu les cimetière.

J’ai emprunté une carabine à Velitcho mais, piètre tireur, je ne parviens qu’à éveiller par-ci, par-là un écho, qui passe alors, pendant quelques secondes, comme une pauvre plainte entre les tombes oubliées.

Le soir, dans notre petite salle de garde, nous nous réunissons autour du poêle calorifère, dont l’œil de mica rougeoie malicieusement.

Au-dehors, il n’y a que le vent et les ténèbres ; Ossip et Velitcho parlent peu.

Leurs visages tournés de trois quarts vers la haute fenêtre badigeonnée de nuit, ils semblent toujours aux écoutes, et ces grosses figures de chiens de garde semblent refléter l’angoisse.

Et pourquoi ?

Je souris à la superstition de leurs âmes frustes et, en ces moments, je me sens supérieur à eux. Oui, pourquoi l’effroi ? Au-dehors, il n’y a que l’obscurité des nuits d’hiver, que la plainte aigre du vent.

Parfois, haut dans le ciel, des rapaces nocturnes crient à la mort et, lorsque la lune se tient, petite et brillante, dans le coin de la plus haute vitre, j’entends les pierres se fendre sous l’effet du gel.

Vers minuit, Ossip nous prépare une boisson chaude qu’il appelle « chur » ou « skur ».

C’est un breuvage presque noir, fleurant bon les plantes étranges. J’en bois avec un plaisir extrême ; à peine la