Page:Ray - Histoires de vampires (extrait Le Gardien du cimetière), 2010.djvu/8

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Non, car je reçus tout de suite de chauds vêtements et un repas. Ah ! mais quel repas ! De larges tranches de viande rouge, des pâtés ruisselants de jus, des fritures aussi copieuses que dorées.

« Quelques mots maintenant sur le cimetière de Saint-Guitton ; c’est un immense champ de repos où l’on n’enterre plus depuis vingt ans. Les pierres tombales y sont effritées et leurs inscriptions mangées par les lichens et les pluies. Des monuments funéraires y sont tombés en ruine. D’autres ont été engloutis par des effondrements partiels et émergent en quelques centimètres de pierre grise. Une sorte de brousse hâve a envahi les allées, et les pelouses sont comme une jungle.

« La municipalité, qui est pauvre et qui envoie maintenant ses morts dormir dans l’immense nouveau cimetière de l’Ouest, avait caressé l’espoir de convertir la nécropole en terrains industriels.

« Mais les manufacturiers n’en voulurent point, aussi superstitieux sans doute que les banlieusards qui, le soir, autour de leurs petits feux bourrés de coke, en entendant le vent se plaindre dans les ifs du cimetière de Saint-Guitton, racontent d’horribles histoires de revenants.

« Il y a huit ans, la face des choses changea.

« Peu de temps avant sa mort, la richissime duchesse Opoltchenska — noblesse russe ou bulgare — proposa à la ville d’acheter le cimetière désaffecté pour une somme fantastique, à la condition qu’elle pût y avoir sa tombe et qu’elle fût la dernière à y être inhumée.

« Elle ajouta que le cimetière serait gardé nuit et jour par trois gardiens, aux frais desquels un legs pourvoyait. Deux de ses anciens serviteurs étaient désignés, un troisième était à adjoindre. Je le répète, la ville était pauvre, elle accepta d’emblée.