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Page:Raymond Clauzel L'Ile des femmes 1922.djvu/80

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l’île des femmes

Une brise de joie et d’espoir soufflait sur La Centauresse. L’équipage se rendait compte que le navire sortait d’un enfer de guerre comme jamais homme d’Europe n’en avait vu. Les matelots aussi, du reste, en approchant de l’île fantastique, avaient subi les appréhensions superstitieuses de leur capitaine. L’événement qui se produisait à bord, tout en laissant place encore à l’imprévu et au merveilleux, prenait donc pour tous un caractère plus rassurant.

Déjà quelques galéjades provençales provoquaient des rires. Un matelot de l’Estaque disait, les yeux tournés vers la bataille tonnante :

Y a dé pébré et dé safran, digo ! Dis, il y a du poivre et du safran. Mé p’ancara ll’a bouillabaïsso ! mais pas encore la bouillabaisse !…

Juste à ce moment d’optimisme général, la trombe mugissante d’une trajectoire plongea sur le milieu de La Centauresse, dont une explosion brutale éparpilla les fragments dans une gerbe de fumée et de feu.

Les narines encore saisies par une odeur âcre, l’ouïe et la vue bouleversées, le chevalier Dyonis de Saint-Clinal, pris dans un remous d’eau, s’aperçut qu’il nageait instinctivement. Le mouvement régulier de ses membres remit un peu de suite dans ses pensées. À quelques brasses de lui, l’avant et l’arrière de son navire coupé par le milieu achevaient de sombrer. Des débris dansaient sur l’eau verte avec des paquets d’écume.