Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v10.djvu/210

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rage ? Sur les bords du Pô, du Rhin, du Danube ; au milieu de ces deſtructions, de ces ravages qui ſuivent toujours ſes pas, un François couvert de pouſſière, épuisé de forces, dénué de tout, ne tournera-t-il pas ſes triſtes regards vers les bords rians de la Loire ou de la Seine ? Ne ſoupirera-t-il pas après ces fêtes ingénieuſes, ces douces liaiſons, ces ſociétés charmantes ; après tant de voluptés qu’il y a laiſſées & qui l’y attendent ? Imbu de l’abſurde & malheureux préjugé que la guerre, qui eſt un métier pour les autres nations, n’eſt qu’un état pour lui, ne quittera-t-il pas les camps auſſitôt qu’il croira le pouvoir, ſans expoſer trop ou vertement ſa réputation ? Si l’exemple ou les circonſtances ne lui permettent pas de ſuivre ſon inclination, n’épuiſera-t-il pas en quelques mois le revenu de dix années pour métamorphoſer un fourrage en amuſement, ou pour étaler ſon luxe à la tête d’une tranchée ? Le dégoût de ſes devoirs & ſon indifférence pour la choſe publique, ne le rendront-ils pas le jouet d’un ennemi qui aura des principes différens, & une autre conduite ?