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des deux Indes.
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d’où ils ſemblent s’éloigner pour jamais, au gouvernement patriarchal, qui eſt celui de la nature même.

Cependant cette morale ſublime, qui perpétue depuis tant de ſiècles le bonheur de l’empire Chinois, ſe ſeroit peut-être inſenſiblement altérée, ſi des diſtinctions chimériques attachées à la naiſſance, euſſent rompu cette égalité primitive, que la nature établit entre les hommes, & qui ne doit céder qu’aux talens & aux vertus. Dans tous nos gouvernemens d’Europe, il eſt une claſſe d’hommes, qui apportent, en naiſſant, une ſupériorité indépendante de leurs qualités morales. On n’approche de leur berceau qu’avec reſpect. Dans leur enfance, tout leur annonce qu’ils ſont faits pour commander aux autres. Bientôt ils s’accoutument à penſer qu’ils ſont d’une eſpèce particulière ; & sûrs d’un état & d’un rang, ils ne cherchent plus à s’en rendre dignes.

Cette inſtitution, à laquelle on a dû tant de miniſtres médiocres, de magiſtrats ignorans, & de mauvais généraux ; cette inſtitution n’a point lieu à la Chine. Il n’y a point de nobleſſe héréditaire. La fortune de chaque