Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v10.djvu/162

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cette conviction des eſprits, qui opère une obéiſſance libre, aisée & générale, ne peut venir que d’une certaine évidence de l’utilité des loix. Si les gouvernemens ne veulent pas ſoudoyer des penſeurs, qui peut-être deviendroient ſuſpects ou corrompus dès qu’ils ſeroient mercenaires ; qu’ils permettent du moins aux eſprits ſupérieurs de veiller en quelque ſorte ſur le bien public. Tout écrivain de génie eſt magiſtrat né de ſa patrie. Il doit l’éclairer, s’il le peut. Son droit c’eſt ſon talent. Citoyen obſcur ou diſtingué, quels que ſoient ſon rang ou ſa naiſſance, ſon eſprit toujours noble, prend ſes titres dans ſes lumières. Son tribunal, c’eſt la nation entière ; ſon juge eſt le public, non le deſpote qui ne l’entend pas, ou le miniſtre qui ne veut pas l’écouter.

Toutes ces vérités ont leurs limites, ſans doute ; mais il eſt toujours plus dangereux d’étouffer la liberté de penſer, que de l’abandonner à ſa pente, à ſa fougue. La raiſon & la vérité triomphent de l’audace des eſprits ardens, qui ne s’emportent que dans la contrainte, & ne s’irritent que de la per-