Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v10.djvu/312

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VIII. Manufactures.

Les arts naiſſent de l’agriculture, lorſqu’elle eſt portée à ce degré d’abondance & de perfection, qui laiſſe aux hommes le loiſir d’imaginer & de ſe procurer des commodités ; lorſqu’elle produit une population aſſez nombreuſe pour être employée à d’autres travaux que ceux de la terre. Alors il faut néceſſairement qu’un peuple devienne ou ſoldat, ou navigateur, ou fabriquant. Dès que la guerre a émouſſé la rudeſſe & la férocité d’une nation robuſte ; dès qu’elle a circonſcrit à-peu-près l’étendue d’un empire, les bras qu’elle exerçoit aux armes, doivent manier la rame, les cordages, le ciſeau, la navette, tous les outils, en un mot, du commerce & de l’induſtrie : car la terre qui nourriſſoit tant d’hommes ſans leur ſecours, n’a pas beſoin qu’ils revienent à la charrue. Comme les arts ont toujours une contrée, un aſyle, où ils s’exercent & fleuriſſent en paix, il eſt plus aisé d’aller les y chercher & de les attirer, que d’attendre chez ſoi leur naiſſance & leurs progrès, de la lenteur des ſiècles & de la faveur du haſard, qui préſide aux découvertes du génie. Auſſi toutes les nations induſtrieuſes de l’Eu-