Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v10.djvu/413

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fortune de l’homme riche, eſt arraché au pauvre le fruit de ſes longues veilles, qu’il avoit confié au fiſc pour avoir une ſubſiſtance dans ſa vieilleſſe. Alors ſont ſuſpendus les travaux, les ſalaires, & tombent dans une eſpèce de paralyſie une multitude de bras laborieux, auxquels il ne reſte des mains que pour mendier. Alors les ateliers ſe vuident, les hôpitaux ſe rempliſſent comme dans une épidémie. Alors les cœurs ſont remplis de rage contre le prince, & tout retentit d’imprécations contre ſes agens. Alors eſt condamné aux larmes le foible qui peut ſe réſoudre à une vie misérable ; eſt armé d’un poignard, qu’il tourne contre lui-même ou contre ſon concitoyen, celui à qui la nature a donné une âme impatiente & forte. Alors ſont anéantis l’eſprit, les mœurs, la ſanté d’une nation ; l’eſprit, par l’abattement & la douleur ; les mœurs, par la néceſſité des reſſources urgentes, toujours criminelles ou malhonnêtes ; la ſanté, par les mêmes ſuites qui naîtroient d’une diſette générale & ſubite. Miniſtres ſouverains, comment l’image d’une pareille calamité pourroit-elle vous laiſſer tranquilles & ſans remords ? S’il